Je suis déçue

En fait, déçue n'est pas le mot. C'est un mélange d'amertune, d'incompréhension et d'impuissance. Et de culpabilité aussi.

Peu importe les étiquettes partisanes, j'ai beaucoup de respect pour les politiciens. Parce que j'ai toujours pensé qu'ils ont comme objectif ultime de faire de leur circonscription, de leur province, de leur pays un meilleur endroit pour tous. Mais faut s'entendre, y'a des idiots et des corrompus partout, personne n'a l'exclusivité de la bêtisse.

J'ai beaucoup de respect pour Mulroney qui a, bien malgré le résultat, travaillé à la tâche titanesque d'inclure le Québec dans la constitution canadienne comme il se doit. J'ai beaucoup de respect pour Kim Campbell qui, peu importe les partis, a été attaquée de toute part pour des conneries qui n'auraient jamais même fait les dernières pages des journaux s'il avait été question d'un homme. Mais elle a fait face à la musique en maintenant toujours un excellent niveau de dignité. J'ai un respect immense pour le NPD qui a fonctionné longtemps avec très très peu de ressources. Et j'ai beaucoup de respect pour le Bloc qui sait maintenir le cap même dans les tempêtes. J'adore Deborah Grey et Preston Manning. Immense respect pour Claudette Bradshaw aussi qui a démontré qu'il est possible de faire bouger les choses et de faire une différence.

Alors tout ça pour dire que ce n'est pas une question de partis ou de couleur politique.

Mais je n'aime pas Stephen Harper. Je ne l'ai jamais aimé. Il m'a toujours donné la chair de poule. Quelque chose dans son regard je pense. Peut-être son langage corporel aussi, je ne sais trop. Juste l'impression qu'il ne dit jamais la vérité. Sans raison particulière, c'est juste une impression.

Et lors de la dernière campagne, tous accusaient Harper d'avoir un agenda secret anti-avortement, anti-gais, anti-registre des armes à feu, anti-environnement. "Balivernes!" Criait-il à tous, ce n'est qu'une campagne de peur de la part de libéraux désespérés et corrompus.

Et là, j'ai eu l'impression de me réveiller cette semaine comme, j'imagine, des Allemands moyens et sans histoire se sont réveillés à la fin de la dernière grande guerre. Complètement sonnée, un peu perdue, désorientée et en me demandant qu'est-ce qui est arrivé exactement. Avec l'impression que quelque chose de grave venait d'arriver mais sans trop comprendre.

Dans la même journée, Harper a annoncé un surplus extraordinaire de plus de 13 MILLIARDS de dollars et des coupures d'un milliards dans des programmes qui constituaient essentiellement le filet social de notre société. L'alphabétisme m'apparait très troublant, alors que près de 300 000 personnes (60% de la population adulte) sont analphabètes fonctionnels au Nouveau-Brunswick. 60%. C'est plus que des pays d'Afrique. Les coupures aux programmes de soutien aux femmes. En participants 4 fois et en produisant 2 fois les Monologues du vagin (au profit d'organismes qui viennent en aide aux femmes), je peux vous dire que ça brise le coeur de voir qu'on coupe le financement à ces groupes. Et je n'aime pas que Harper fasse exactement ce que le groupe R.E.A.L. Women of Canada suggèrent (essentiellement, restez à la maison pis faites des enfants!).

Alors voilà, j'ai l'impression de m'être réveillée cette semaine dans un pays que je ne connais plus. J'ai l'impression de ne plus être écoutée, de ne plus être canadienne. J'ai l'impression d'être une étrangère avec mes valeurs d'entraide, de filet social, d'aide pour les plus démunis et de paix. Mes valeurs de libre-choix, d'égalité des femmes, d'égalité pour tous mes amis gais et lesbiennes, pour les immigrants, les Acadiens, les anglo-Québécois.

Et tout ce que j'ai envie de faire, c'est de regarder autour et de me demander comment c'est arrivé. Qu'est-ce que j'ai fait? Qu'est-ce que je n'ai pas fait? Comment en sommes-nous arrivé là, malgré que Harper ne dispose que d'un gouvernement minoritaire?

Et j'ai peur. Très peur d'où s'en va mon pays que je ne reconnais plus. Qu'arrivera-t-il s'il obtient une majorité?