Il y a 14 610 jours, soit 40 ans, s'ouvrait à Montréal l'Expo 67. Un événement qui a propulsé Montréal dans la modernité et qui a, pour toujours, marqué la destinée de la ville, du Québec et du Canada en entier.
Le temps d'un été, du 28 avril au 27 octobre 1967, plus de 50 millions de personnes sont venues visiter ces îles inventées. 50 millions, c'est grosso modo deux fois la population totale du Canada à l'époque. Pensez-y. C'est comme si près de 65 millions de personnes passaient à Montréal cet été. Imaginez le traffic, imaginez le buzz que ça créerait. Imaginez 65 millions de gens sur l'Île Notre-Dame et Ste-Hélène. Ouf...C'est surréel. Imaginez tout ce monde-là dans le métro à l'heure de pointe.
Un des plus beaux souvenirs que j'ai de ma petite enfance, c'est celui de mes grands-parents qui me gardaient et ma grand-mère qui avait décidé, probablement en 82, de m'amener en métro passer la journée dans les îles. J'étais ti-cul, j'avais probablement 5 ans mais je me souviens des fleurs partout alentour de nous (plantées pour les Floralies en 1981), des canaux partout dans l'île, des gens en pédalos dans les canaux, des pavillons abandonnés. J'ai un souvenir tellement clair de cette après-midi avec ma grand-mère que j'ai pu, 20 ans plus tard, situé précisément à partir des cartes de l'Expo où nous étions. Elle m'a acheté une crème-glacée à ce qui était l'Expo service A, en face du pavillon de l'OCDE. On pouvait voir au loin l'imposant pavillon de la France et du haut de mes 3 pommes, je trouvais ce que géant était particulièrement immense. De toute les souvenirs que j'ai de ma grand-mère maternelle, c'est le plus vibrant que je garde. Et aujourd'hui, je ne peux qu'imaginer ce que ça devait être pour elle de marcher dans les îles, près de 15 ans après l'Expo, elle qui y avait été et avait vécu tout le hype, de voir les îles comme ça, abandonnées. L'air de rien, elle avait fait naître en moi une passion extraordinaire pour l'Expo.
14 610 jours plus tard...
L'héritage émotionel et spirituel de l'Expo 67 est immense et insaisissable. Le nombre de Montréalais qui ont Expo dans leur coeur est extraordinaire. Sans compter tous ceux qui ne sont pas ou plus à Montréal et chez qui Expo 67 brille encore.
Par contre, physiquement, l'héritage d'Expo 67 est particulièrement faible. Que reste-t-il aujourd'hui de l'Expo?
Le dôme de Buckminster Fuller, l'ancien pavillon des États-Unis, est sans doute la première chose à laquelle on pense. Le pavillon a brûlé et a été abandonné pendant bon nombre d'années pendant lesquelles les cinémas au niveau inférieurs ont servi de décor de fin du monde post-apocalyptique pour bon nombre de groupes heavy métal et rock des années 80 qui y ont tourné des vidéoclips. Le pavillon est aujourd'hui accessible en tant que Biodôme (Biodôme était le nom donné au pavillon pendant les Expo Terre des Hommes dès 1968-69 en passant, c'est rien de nouveau) mais les portes originales du pavillon, qui étaient pour le moins originales, n'ont jamais été remplacées ou restaurées. D'ailleurs, une partie du pavillon n'a jamais été restorée et on peut toujours voir la structure d'une plate-forme abandonnée dans le pavillon. On n'a pas non plus restoré ce qui était, en 1967, le plus long escalier mécanique au monde...
Aussi bien connu du public, l'ancien pavillon de la France, qui a accueilli bien des expositions comme Ramsès et Cité-Ciné avant de devenir le Casino de Montréal. Bien que le hall principal est toujours là dans le Casino, les fantastiques balcons à tous les étages de l'édifice sont maintenant absolument inaccessibles, tout comme le toit d'ailleurs. De l'extérieur, le pavillon de la France est celui qui a subit le moins de modifications structurelles.
Juste à côté du pavillon de la France, le pavillon du Québec, qui a été extrêmement saccagé et vandalisé à la fin des années 80, est devenu l'annexe du Casino de Montréal. Pour cela, les superbes vitres transparentes bleu Québec du pavillon qui offraient un éclairage unique de l'intérieur vers l'extérieur du pavillon le soir venu ont été transformées en surface opaque couleur cash. Je vous le jure, vérifiez, c'est volontairement couleur cash, j'imagine que ça stimule les clients du Casino... De l'intérieur, il ne reste plus rien du pavillon mis à part une plaque dans un corridor du Casino qui dit, essentiellement "ici était le Pavillon du Québec". Très moche.
Toujours aussi futuriste, Habitat 67 est toujours là, plus vivant que jamais. Habitat en a arraché et a presque frôlé le ruine au début des années 1980 mais finalement, le complexe a remonté le pente, notamment en étant privatisé, et demeure encore aujourd'hui plus extraordinaire que jamais. Seulement le tiers du projet original d'Habitat 67 a été construit. La plus grosse unité d'Habitat 67 est présentement à vendre. Composée de 8 cubes, le prix de vente est de 1,8 millions de dollars.
Toujours là mais oublié depuis la fin de l'émission estivale "L'île à Gilidor" à Radio-Canada, le pavillon de la Jamaïque attend en silence qu'on lui donne une vocation. Le toit coule depuis quelques années, l'état se déteriore. Pourra-t-on le sauver avant qu'il ne soit trop tard? Faut que je vous avoue que j'aimerais profondément posséder ce pavillon et y demeurer (même si les règlements municipaux ne permettent pas de rester dans les îles, pour les protéger des promoteurs immobiliers). On pourrait peut-être en fait un restaurant gastronomique? J'y passerais certainement mes étés...
Aussi abandonné et tombant en ruine, le pavillon de la Tunisie approche du point de non-retour. Le pavillon a accueilli les bureaux de la FINA en 2005, les championnats de natation mais depuis, rien. Encore là, les murs tombent littéralement en ruine. Des morceaux se détachent régulièrement. Pas d'entretien de la part de la Ville...Et le pavillon est à moins de 10 pieds du Circuit Gilles-Villeneuve alors j'imagine que les vibrations des F1 ne doivent pas aider.
(Mise à jour : après ma visite en fin de semaine, j'ai réalisé que le Parc Jean-Drapeau a rénové (et non restoré) ce pavillon qui est maintenant complètement différent mais qui sert de dépanneur/casse-croûte à cochonneries.)
De son côté, le pavillon de la Corée sert aujourd'hui d'abribus pour les gens qui se rendent au Casino. Il ne reste que la structure du toit, remplis de filets et de grillages pour faire fuir les oiseaux (et ça ne fonctionne pas, soit dit en passant). Reste aussi la tour/totem qui était devant le pavillon. Si vous fouillez dans les buissons, vous trouverez une plaque qui rappelle le pavillon.
Aussi pathétique est le sort du pavillon thématique l'Homme, Créateur, qui fut le Musée d'art contemporain de Montréal pendant bien des années. Le pavillon, qui semble complètement abandonné de l'extérieur sert en fait de lieu d'entreprosage à Loto-Québec. L'escalier central du pavillon a été complètement enlevé et une dale de béton a été coulée pour créer deux étages séparés. Des tuyaux de ventilations passent partout dans les salles, c'est clairement et uniquement un lieu de storage. Il ne reste d'original dans ce pavillon essentiellement que la salle des fournaises (et encore, les fournaises originales ne sont plus utilisées), où on peut lire le certificat original d'inspection qui date de 1965 et qui est signé de la main d'un des grands manitous d'Expo 67.
Reste aussi la base d'une partie du pavillon du Canada, qui sert de bureaux à la direction du Parc Jean-Drapeau ainsi qu'à la station de radio CJPX.
Encore plus pathétique est la Place des nations. Haut lieu des célébrations de l'Expo 67, elle est toujours là, silencieuse et oubliée dans le milieu de nul part. Plus de fontaines (quoi que je soupçonne les mécanismes d'être toujours là, sous quelques pieds de terre), des très graves infiltrations d'eau et le plafond suspendu dans un des espaces intérieur qui s'est affaisé. l'intérieur est utilisé pour du storage de matériel électrique, il pleut à l'intérieur comme si on était à l'extérieur et l'extérieur n'est pas entretenu et a servi à l'automne 2005 de poubelle à ciel ouvert pour les déchets et les cochonneries de la FINA et de la Ville de Montréal. Certaines sections des passerelles de bois qui permettaient de faire le tour de la Place ont disparues et l'automne dernier, une des rares passerelles restantes avait l'air du viaduc de Laval 30 minutes avant son effondrement : elle était croche, le plancher de bois était fendu en 2 et c'était clairement pas très sécuritaire. Nous nous sommes aventuré là-dessus pour se rendre aux estrades supérieures mais je vous dis qu'honnêtement, je m'attendais à ce que ça s'effrondre et nous entraîne dans une chute d'un bon 10-15 mètres. Peut-être est-elle tombée durant l'hiver? J'irai voir demain. D'ailleurs, l'accès à la Place des Nations est aujourd'hui une vraie course au trésor boueuse et il faut vraiment vouloir s'y rendre pour la trouver.
Bien sûr La Ronde est toujours là, même si elle a été privatisée et vendue à une compagnie américaine (Six Flags) il y a quelques années. Il y reste peu de choses de l'Expo. La Spirale, toujours en fonction bien qu'on utilise à peu près plus les 2 étages du manège. Le Jardin des étoiles, qui est maintenant largement sous-utilisé. La Marina, pratiquement plus utilisée du tout (je pense que l'édifice de la Marina a été démoli par Six Flags il y a 2 ans) et l'Aquarium Alcan, aujourd'hui le Dôme Nintendo ou au nom d'une compagnie commanditaire du jour.
D'ailleurs, je pourrais écrire longtemps sur le peu de cas que Six Flags, que je surnomme pas affectueusement du tout Sick Flags, fait de l'Expo 67. Une de leur premières décisions? Enlever le symbole de Terre des Hommes sur la grande roue. On m'a aussi dit (mais je devrais confirmer de première source) qu'on a arrêté d'utiliser le téléphérique il y a 2 ans. Plus de téléphérique donc. Sick Flags a aussi ranger le carrousel des années 1880 qui avait été offert à Montréal pour l'Expo et après beaucoup de commentaires peu élogieux, ils le restoreront (ou viennent de le restorer) semble-t-il. Le Carrousel de bois (un des plus vieux qui soit) dormait dans un conteneur sous le pont Jacques-Cartier depuis des années. Tstt tstt tstt. Pis quoi aussi? La fin du monorail peut-être? Le fait qu'on ait vendu notre héritage à une compagnie américaine m'enrage profondément. Drapeau n'aurait jamais laissé ça passer. Mais bon, je m'emporte...Bref.
Reste aussi plusieurs sculptures d'Expo 67, dont la plus célèbre, L'Homme d'Alex Calder, a été déménagée et remise en valeur il y a quelques années. Presque tous les soirs d'été lorsqu'il fait beau, on peut y trouver des photographes.
Par contre, plusieurs autres sculptures ont l'air d'avoir été oubliées dans le milieu de nul part et ont dû faire face à des graffitis, en plus d'avoir des systèmes d'éclairage souvent défficients ou hors d'usage.
D'ailleurs partout sur ces îles, lorsqu'on se perd hors des sentiers les plus utilisés, surtout autour de la station de métro, on retrouve les vieux lampadaires d'Expo 67, abandonnés, inutilisés, quelques fois à moitié arrachés.
Un autre groupe qui se fout royalement de l'héritage de l'Expo 67 est les autorités du Port de Montréal. Il y a quelques années, ils ont rasé ce qui était le Centre des communications et des médias de l'Expo 67. Et ce, sans grand cas et malgré les plaintes des amoureux de l'Expo. Le centre a utilisé ses dernières années de vie comme studio de tournage de la télésérie Virginie.
La Maison olympique a aussi été rasée il y a quelques années. Encore là, sans grand cas pour l'héritage de l'Expo.
Expo 67 : de Montréal aux quatre coins de la planète
Tout à fait à l'image de l'Expo 67, on retrouve aujourd'hui l'héritage de l'Expo partout sur la planète.
Par exemple, il est toujours possible de visiter le pavillon de l'URSS, qui est maintenant à Moscou et qui y fait partie du centre des sciences. Ils ont désassemblés le pavillon pour le rassembler à Moscou.
Le pavillon de Cuba est maintenant à Cuba où il sert, aux dernières nouvelles, de centre d'info touristique.
Le pavillon de la Yougoslavie est maintenant un musée à Terre-Neuve (autre photo ici).
Une sculpture se retrouve au centre-ville de Calgary. Une à Ottawa et Hull. Une à Dallas. À Halifax. Dans le métro Lionel-Groulx (et très vandalisée, malheureusement). En Alberta. En Colombie-Britannique. À Toronto.
La statue de Copernic se trouve devant le planétarium Dow, qui devrait bientôt être déménagé et le site original démoli (qu'arrive-t-il à Copernic?).
Les célébrations du 40e anniversaire de l'Expo 67
Soyons francs, la Ville de Montréal a joyeusement manqué son coup sur ces célébrations du 40e. Il est clair que depuis le départ de Jean Doré, l'administration municipale se fout royalement de l'héritage de l'Expo. Comment expliquer sinon avoir vendu La Ronde a une compagnie américaine, entre autres?
Le fait est que la Ville s'est fait pogné les culottes baisées. Février est arrivé est la Ville n'avait toujours pas de plan pour célébrer le 40e alors le conseil exécutif a allongé 200 000$ (des peanuts pour la Ville - pensez-y et comparez avec les célébrations du 350e!) pour des PPP. Ainsi, la ville n'organise rien mais va donner du cash à des activités organisées par le privé. Organisées à la dernières minutes faut-il le dire puisque l'information sur l'argent disponible a été connu en février et que les célébrations auraient dû commencer le 27 avril. Résultat : pas d'activité en fin de semaine pour célébrer le 40e. Et un certain chaos dans les activités qui seront financées par la ville. L'horaire des activités ne suit pas la chronologie de l'Expo et ça manque clairement de coordination et d'uniformité. SHAME. SHAME. SHAME. INACCEPTABLE.
Que l'administration municipale se foute de l'Expo et du 40e m'enrage à un point que je ne peux l'exprimer. SHAME. Monsieur Tremblay est mieux de ne pas me croiser cet été parce que je vais lui passer un savon...
samedi, avril 28, 2007
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2 commentaires:
Arfff Julie... profondément déprimant. PROFONDÉMENT!
Bravo pour votre magnifique texte qui confirme à travers vos mots, d’heureux souvenirs.
michel sd
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