Budget du Québec : l'art de jouer au chicken

Quand je pense à ce budget Charest et au semblant d'impasse que l'on observe actuellement où et l'ADQ et le PQ se sont prononcés et ont annoncé qu'ils voteront contre le budget, ça me ramène à l'esprit une scène du film Footloose où deux jeunes mecs, pleins de testostérone font une course de tracteurs en jouant au chicken. Les deux se sont face, fonçant l'un sur l'autre et le gagnant est le dernier à sauter de son tracteur. Kevin Bacon gagne mais pas parce qu'il est plus courageux que son opposant, simplement parce que son lacet est pris dans la pédale d'accélération.

En fait, c'est à un bel exemple de manque d'expérience politique qu'on assiste à Québec. Manque d'expérience du gouvernement Charest qui aurait dû assumer sa position minoritaire et présenter un budget digne d'un gouvernement minoritaire, où on donne des bonbons aux partis de l'opposition en échange d'un possible appui audit budget. Mais malheureusement, le gouvernement Charest semble avoir présenté un budget qu'il a conçu tout seul, comme s'il détenait la majorité, sans consulter les autres partis. Même Harper consulte les autres partis question de s'assurer que les partis pourraient y trouver au moins une excuse capable de justifier leur appui au budget.

De son côté, l'ADQ a joué son rôle d'opposition officielle en affirmant aussitôt le budget sur la table qu'ils ne l'appuieront pas. Une position classique pour l'opposition officielle. Et la question de vitesse est importante quand on danse un tango à trois comme c'est présentement le cas à l'Assemblée nationale. On veut pas être celui qui est acculé au pied du mur, dans le coin.

En battant de vitesse le PQ, qui n'a affirmé qu'hier qu'ils n'appuieront pas le budget, l'ADQ pourrait toujours dire que ce n'est pas de sa faute si le Québec se retrouve à nouveau en élection.

Et le PQ a franchement manqué une belle occasion s'ils avaient battus de vitesse l'ADQ en affirmant en premier qu'ils n'appuieraient pas le budget. Renvoyant la pression sur l'ADQ plutôt que de garder tous les projecteurs tournés sur eux-mêmes.

Les élections
Dans les faits, je doute qu'on retourne en élection. Premièrement, la population est particulièrement tannée, écoeurée et les vacances arrivent. Les gens auront la tête a bien d'autre chose qu'une élection, des débats et des assemblées politiques. Aussi, et il ne faut pas l'oublier, les partis viennent de passer à travers une élection et je doute qu'ils aient vraiment les reins financiers assez solides pour recommencer tout de suite.

Et puis qui bénéficierait d'une nouvelle élection? Pas Charest, son parti risque d'être éclaboussé par le rapport d'Option Canada qui sera bientôt déposé et retourner en élection maintenant démontrerait qu'il n'est pas capable de gouverner. Une bonne raison pour inviter les gens à ne pas revoter pour lui.

Le PQ quant à lui est probablement plus prêt qu'il ne l'était la dernière fois. Marois est là, elle pourrait assurer la direction du parti de façon express s'il y a une élection, et elle rallierait sans doute plus de support que n'en a eu Boisclair, qui excellait dans l'art de s'enfarger dans les fleurs du tapis comme sur la coke, son intégrité physique et tout le reste.

Québec Solidaire n'a sans doute pas les moyens d'aller en élection maintenant.

Alors il reste l'ADQ. Eux, ils seraient enchantés de retourner en élection. Parce que Dumont pourrait se vanter d'avoir forcé le gouvernement à agir et donner un ultimatum à la STM, il pourrait faire pas mal de mileage sur l'image que les vieux partis ne fonctionnent pas et qu'il est temps de lui donner une chance.

Dans les faits, Charest pourrait "bonifier" son budget et y ajouter quelques bonbons qui pourraient sauver la mise. Je lisais quelque part que le PQ pourrait décider de s'abstenir. C'est le truc le plus bizarre que j'ai entendu depuis longtemps. S'abstenir sur un budget? Wow...

Bref une grosse partie de chicken. Et y'a beaucoup de raisons de croire que le gagnant ne sera pas le plus courageux mais plutôt celui dont le lacet restera pris après son tracteur. Parce que personne ne veut d'élection. Et les trois partis le savent très bien.